Imaginez une réalité où les femmes sont détentrices du pouvoir politique, où les différents Territoires d’un Royaume sont aux mains de Reines sombres et puissantes.
Dans ce monde à trois Royaumes situés dans des dimensions coexistantes, ceux qui détiennent la magie, nommés the Blood, tirent leur pouvoir de leur Joyau de naissance. Ils peuvent augmenter cette puissance lors d’une cérémonie d’offrande aux Ténèbres et plus le Joyau est sombre plus son détenteur est puissant.
Les femmes règnent certes, mais pour préserver l’équilibre, et parce que leur rapport à la terre dont elles sont les gardiennes ne les rend pas toutes puissantes, les hommes sont à la fois leurs vassaux et leurs défenseurs. Une Reine puissante est normalement entourée de « Mâles » puissants et c’est leur relation harmonieuse qui garantit le bon fonctionnement du système (le Protocole).
Enfin, cette configuration n’est qu’un souvenir : depuis des siècles, deux Reines assoiffées de pouvoir mettent tout en œuvre pour modifier cet équilibre. Elles craignent les hommes trop puissants et préfèrent les asservir plutôt que de régner avec leur soutien. Ainsi The Blood est devenu une parodie brutale et malsaine de ce qu’il a été. Cette souillure est particulièrement présente sur la dimension Terreille du monde, le Monde de l’Ombre et l’Enfer étant pour l’instant plus épargnés.
C’est dans cette situation qu’apparaît celle qui représente pour tous les Blood non pervertis l’espoir d’une restauration de l’ordre ancien, Witch, l’incarnation vivante de tous les rêves, de toute magie.
Le problème est que, même incarnée, Witch est avant tout Jaenelle une enfant qui vit dans une famille très dysfonctionnelle ignorant tout de ses réels pouvoirs. Et dans un monde où la perversion et la corruption du rapport femme-homme sont la règle, il est difficile de grandir épargnée.
Jaenelle réussit à voyager entre les 3 Royaumes et rencontre en Enfer, celui qui va être son soutien, Saetan, le Prince des Ténèbres mort-vivant puisque ceux du Blood qui meurent mais ne souhaitent pas disparaître à jamais peuvent devenir des démons et vivre en Enfer.
Elle suscite l’intérêt, la convoitise, la jalousie et elle subit un traumatisme qui manque de la faire basculer dans la folie et pourtant Jaenelle est la puissance vers laquelle tous ceux qui ont été victimes de la perversion vont se tourner.
En trois tomes, Anne Bishop dépeint un univers envoûtant par :
- son inversion des critères. Les Princes mâles servent et protègent mais ne sont pas des toutous : un Warlord Prince n’est pas facile à vivre compte tenu de son agressivité naturelle, mais son instinct le pousse à protéger sa Reine ;
- son rapport à la violence, parfois nécessaire, parfois impardonnable et ses descriptions d’une cruauté sans artifice : quand on tient sa puissance des Ténèbres on n’est pas un tendre agneau, mais les sadiques pervers n’ont aucune légitimité pour les Blood qui se respectent.
- son Enfer revisité avec des idées classiques et remaniées (les Harpies, le vampirisme)
Les principaux personnages ont donc un alignement Chaotique Bon (
aux rôlistes) et sont considérés comme dangereux par celles qui cherchent à les instrumentaliser. Mais Daemon (petit nom The Sadist
) l’amant idéal, Lucivar le guerrier, Saetan le maitre du Protocole, Surreal la prostituée-assassin font autour de Jaenelle un canevas de caractères très attachants. On souffre et on espère avec eux.
On peut reprocher à l’auteur son utilisation un peu redondante de « tics » de langage ou de position (les doigts « steepled », désolée y’a pas de traduction courte en français, vous chercherez). Les hommes « grondent » beaucoup, les « sorcières » sont caractérielles (j’adore parce qu’elles ont le droit ! C’est même considéré comme signe de puissance)
Mais comme dirait le scorpion : c’est dans leur nature !
Et cette lecture
carrément pour adultes avec, attention des scènes parfois très dures, devrait convenir aux fans de Carey qui traînent par ici.
il n’y a pas chez Bishop le même raffinement et son univers est bien plus centré sur la magie.
Mais pour moi Jaenelle est aussi attachante que Phedre. Et leur difficulté à grandir dans un monde hostile présente des similitudes, même si le mode de narration ne permet pas la même introspection.
Voilà si vous avez des questions sur la Black Jewels Trilogy, je veux bien essayer d’y répondre